lundi 11 mai 2009

Jour de folie

Folle journée en effet que ce 11 mai 2009. Une date qui restera dans les annales de la météorologie avec la formation de huit supercellules entre les Pyrénées-Atlantiques et les Charentes, dont six simultanément entre 18 et 19h ! (source : Keraunos.org )
Les prévisions laissaient supposer, à juste titre, que le spectacle n'aurait pas lieu sur le Gers mais plus à l'ouest, menaçant les Landes, la Gironde et les Charentes. Mais dès que je me mets en route mon attention est interpelée par cet énorme orage qui approche. C'est accompagné de roulements de tonnerre continus que je le photographie depuis une colline entre Montréal-du-Gers et Bretagne-d'Armagnac (18h52) :


C'est une des supercellules, et pas la moindre, qui est passée non loin de Mont-de-Marsan. Je la rejoins à Eauze où j'assiste à sa fin. Cette entité atmosphérique promene au-dessus des Elusates insouciants des lambeaux nuageux animés de vigoureuses convulsions. Tant de vigueur dans l'agonie me laisse imaginer la force du monstre qui expire.

La suite de mes pérégrination m'emmènera jusqu'à Captieux dans les Landes, puis Villandraut et son fameux château dans le sud de la Gironde. Jérôme me guide au téléphone, et me conseille avec pertinence de filer une cinquantaine de kilomètres vers le sud pour intercepter l'énorme orage multicellulaire qui approche. Ce dernier vient de lâcher de gros grêlons sur Hendaye et fonce vers le nord-nord-est.
Je reprend la route direction Saint-Symphorien puis Sore, me voici de retour dans le département des Landes. Je souhaite un espace découvert sur une route peu fréquentée, et je trouve mon bonheur le long de la départementale 45 entre Sore et Trensacq. Des fulgurances roses inondent presque à chaque seconde l'horizon en direction du sud-ouest. Depuis le début de cette traque orageuse, j'ai l'impression de chasser l'orage dans les Grandes Plaines de la Tornado Alley. Maintenant que je me trouve ici, parfaitement seul, dans l'immensité de la forêt landaise si sévèrement meurtrie par Klaus, avec ce monstre en approche, je pense avoir une très bonne idée de ce que peut être l'attente au bord d'une route perdue du Texas ou de l'Oklahoma.

Un ciel immense et menaçant.

Seul sur la route ... Il ne passera qu'une voiture (et encore, une toute petite !) en plus d'une heure. Cette ligne droite de près de dix kilomètres de long ne permet pas d'être surpris par l'arrivée d'un véhicule. Et j'adore ce sentiment de solitude...

Il est 21h50 et les évènements vont se précipiter. Ce n'est pas ce mur de coups de foudre rosis par la distance qui va me concerner, mais des cellules qui se développent à proximité de ma position. C'est en direction du nord (c'est à dire derrière moi !) que jaillissent soudain les feux du ciel :
La forêt landaise ravagée constitue un avant-plan de choix. Depuis Klaus, je voulais faire le portrait de ces pins meurtris répétant dans leur inclinaison infiniment multipliée le souvenir de cette tempête cauchemardesque.
Un ciel bleu aurait peut-être convenu, un azur indolent regardant d'un œil innocent les cicatrices de sa folie hivernale.
Je lui préfère ces éclairs qui rappellent avec éclat de quoi sont capables les éléments dans leur colère aveugle.


Lorsqu'il n'y a pas de coup de foudre, ce sont des lueurs qui palpitent dans les nuées, des branches électriques tentaculaires qui hésitent à jaillir du ventre de ce cumulonimbus qui poursuit sa croissance.
Et jamais je n'ai assisté à un orage avec un aussi parfait sentiment de solitude.
Les roulements de tonnerre sont magnifiques, et se mêlent au chant d'un batracien que je ne sais identifier. L'exotisme est total, je ne suis pourtant qu'à cent kilomètres de chez moi.

La suite, c'est aussi la pluie qui s'invite, m'obligeant à une retraite dans ma vieille R25. Les gouttes vont longtemps tambouriner sur le toit, mais la grêle que j'attends, tout en l'appréhendant, ne viendra pas. D'énormes éclairs horizontaux m'éblouissent en zébrant le ciel au-dessus des pins maritimes décharnés, et se répètent à une fréquence déraisonnable. Et la pluie continue, encore et encore ... Lassé par l'impossibilité de prendre des clichés corrects, et constatant que la fête se termine (c'est du moins ce que je crois à cet instant là) je reprends la route : Trensacq, cap au sud jusqu'à Sabres, puis vers l'est, en direction du Gers, vers Labrit puis Roquefort.
Mais c'est dans les kilomètres qui précèdent Roquefort que j'assiste à l'approche d'une nouvelle cellule. Elle arrive par la droite, donc du sud, et sillonne gaiement le ciel gascon en bousculant la nuit et la pluie, en lançant de plus en plus d'éclairs. Mais je suis pris entre deux murs végétaux interminables, et je ne peux avoir qu'un aperçu très partiel de ce monstre inespéré tandis que les arbres défilent autour de moi. Il est presque 23h30, déjà !
Je traverse Roquefort et je tombe en arrêt devant le pont sur la Douze : enfin le ciel est visible. Je maudis bien sûr ces lampadaires qui m'inondent de lumière, mais la vue dégagée en direction du nord-est permet de contempler l'impressionnant spectacle d'une véritable muraille de nuages, de pluie et de grêle en train de s'éloigner, sans cesse illuminée par d'innombrables décharges électriques. Et l'avant-plan "urbain" que me fournis Roquefort contraste parfaitement avec le paysage que je fréquentais au cours des heures précédentes :

Le spectacle est à couper le souffle. Il ne peut s'écouler plus de deux secondes sans que la foudre n'anime les convulsions de la bête qui s'en va tonner sur d'autres campagnes, d'autres forêts, d'autres communes endormies.
En contrebas du pont où j'ai installé mon trépied tant bien que mal, un couple d'anglais contemple l'extraordinaire activité électrique depuis leur jardin. Comme il est déjà assez tard, je ne suis presque pas gêné par le trafic. Mais j'ai la surprise de recevoir la visite d'un habitant qui, intrigué par ma nocturne agitation, viens aimablement me demander ce que je photographie !!!

Cet éclair semble ne pas atteindre le sol mais bien frapper ce malheureux nuage stratiforme. Il s'agit donc d'un éclair internuageux.

Décharges rampantes et une lumière d'une qualité rare.

Plusieurs fois la foudre adoptera la même forme courbée.

Recadrage du cliché précédent.
Nuit agitée pour les hôtes de l'hôtel de Roquefort cette nuit là ...

4 commentaires:

Merlin a dit…

De sublimes photographies à couper le souffle !

teb a dit…

Ben...
Admirative !!!
et ... envieuse !

'Tsuki a dit…

superbes, ces clichés ! J'adorais me lancer dans ce genre de prise de vue, mais le matériel me fait un peu peur...

Merci en tous les cas de les publier : ça me permet d'en profiter...

Anonyme a dit…
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